Son premier film K Contraire est en salles depuis mercredi et raconte le parcours d’un jeune homme qui sort de prison et tente de reprendre le cours de sa vie notamment pour aider sa mère dépressive à s’en sortir. Au cœur du film, la kétamine, ses effets bénéfiques supposés et le trafic qu’elle engendre. Sarah Marx s’est attaquée à des sujets souvent invisibles à l’écran avec une énergie qui force le respect. FrenchMania l’avait rencontrée lors de la présentation du film au festival de Saint-Jean-De-Luz.
C’est votre premier film, comment est né votre désir de cinéma ?
Sarah Marx : J’ai eu une caméra dans les mains très jeune, j’avais réalisé un petit film sur ma grand-mère, j’adorais faire témoigner les gens, je voulais garder une trace d’eux. A la fin de mes études de géopolitique, j’ai bossé en agence de presse, j’ai fait du clip, de la pub et même un court métrage sans financement, à l’arrache. J’ai aussi fait un doc, qui sortira après K Contraire, sur un groupe d’hommes que j’ai suivi pendant un an, en probation de liberté à la maison d’arrêt de Nanterre, dans le cadre d’un atelier d’improvisation théâtrale. Ce qui m’anime, c’est avant tout l’envie de raconter des histoires. Je fais du cinéma parce que j’ai envie de raconter les gens en fait.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire-ci précisément ?
J’avais envie de raconter Ulysse, ce mec qui sort de prison et qui doit répondre à des questions, justifier d’un emploi, s’occuper d’une mère en perte d’autonomie. Comment tu fais quand tu as 25 ans et que tu dois te réinsérer ? C’est déjà compliqué de trouver du taf quand tu as fait 10 ans d’études, alors quand tu sors de taule… C’est un film qui, j’espère, interroge, soulève des questions. J’ai travaillé à la suite de ce projet de documentaire sur ce long avec Ekoué Labitey et Hamé Bourokba, on s’est beaucoup documenté, on a travaillé avec un vrai médecin, celui-là même qu’on voit dans le film, qui travaille sur des traitements expérimentaux à base de kétamine, c’était important d’avoir cela pour nourrir la relation entre Ulysse et sa mère dépressive. J’ai passé du temps avec ce médecin à Saint-Antoine pour voir des patients, il m’a fait participer pendant trois jours à des visites, j’ai pu assister au protocole de la kétamine. Je me sens proche d’Ulysse à plein de niveaux. Il y a une partie d’Ekoué, d’Hamé et de moi dans le film, dans les personnages. On est allé cherché chez nous, autour de nous, des choses sincères.
Les comédiens et comédiennes sont tous formidables. Comment avez-vous croisé la route de Sandor Funtek et de Sandrine Bonnaire ?
Ekoué connaissait Sandor et m’avait dit le plus grand bien de lui. On s’est rencontré pendant que le scénario s’écrivait, et c’était important pour nous de mettre des visages sur des mots. Fallait que ce soit incarné dès le départ. Avec Sandor, il n’y a pas eu de casting, pas d’essai non plus, ça s’est fait au feeling. C’est une question de rencontre quoi. Avec Sandrine, pareil, il n’y a pas eu de tergiversations. Elle est vraiment accessible et bienveillante, on s’est rencontré, et le désir de travailler avec elle a grandi. Par chance, elle a eu le désir de faire ce film aussi. Chaque comédien et comédienne est unique, personne ne se regardait le nombril. L’important, c’est l’échange, comprendre qui tu as en face de toi, s’ouvre à l’autre, et tu arrives ainsi à atteindre une vérité et une justesse. K Contraire, c’est un petit film, il n’y avait pas de strass, pas de paillettes, mais tellement d’énergie et de complicité.
Le naturel du film est saisissant, à tel point qu’on croirait que certaines séquences sont improvisées.
Il y avait un espace de liberté mais dans un cadre très précis, très tenu. C’était un espace de liberté de jeu. Je voulais laisser les comédiens libres de leurs mouvements. Parfois, c’est un geste fait naturellement, instinctivement, une fulgurance que tu ne peux pas prévoir à l’avance. Ces choses-là, ça vient du doc pour moi, de cette manière de faire, être à l’écoute du corps de ceux que tu filmes. Faut savoir capter ces instants. Après, oui, c’était très écrit, les dialogues étaient hyper bien respectés par les comédiens et comédiennes. On est allé à l’os, à l’épure, les mots sonnent, mais rien n’est gadget, on est dans la sobriété. Il n’y avait pas de démonstration, pas de performance. Tout le monde s’est mis au service de l’histoire qu’on avait envie de raconter, c’est très beau. Après, pour que le film existe vraiment, il a fallu se battre, il a fallu convaincre. On a eu un coup dur pendant le tournage, on a perdu beaucoup d’argent à la suite d’une arnaque, on a tous mis, Ekoué, Hamé et moi de l’argent de notre poche, on a rien lâché, on a trouvé d’autres partenaires, le film s’est fait avec 800 000 euros, mais je suis fière de ce travail d’équipe. Le production, c’est un engagement. Avec Ekoué et Hamé, elle retrouve ses lettres de noblesse.