Séries Mania 2024 : notre bilan en 4 séries et 2 comédien.nes
Cinquante séries ont été présentées lors de la dernière édition de Séries Mania à Lille. Un festival qui a une fois de plus tenu ses promesses de diversité en termes de genres et de thématiques abordées. Bref panorama en six temps forts.
Soviet Jeans (Panorama international / Prix du public)
Une série lettone (une première à Séries Mania). Années 80. Un jeune homme fougueux, couturier dans un théâtre national surveillé de très près par les autorités, jouant les faux espions pour la police secrète pour mieux désobéir dans la réalité, se retrouve incarcéré dans un hôpital psychiatrique pour déviance idéologique. Découvrant l’appétit de son médecin (et de l’épouse de ce dernier) pour les produits occidentaux, il décide se lancer dans la fabrication et le commerce de jeans de contrebande. Enthousiasmant récit impeccablement structuré en huit épisodes pour dire les contradictions cocasses et tragiques du bloc de l’est. Un récit toujours plus malin et retors que ne laisse présumer son résumé.
House Of Gods (Compétition Internationale / Prix du Meilleur acteur pour Kamel El Bash)
En Australie de nos jours, l’élection du nouvel imam exacerbe rivalités, trahisons et malversations au sein d’une communauté musulmane divisée entre rigorisme et progressisme. Résumée par ses auteurs comme une sorte de Succession dans une mosquée, cette série en six épisodes ausculte au scalpel la soif de pouvoir et l’ambition au sein d’un univers feutré, peinant à s’ouvrir sur le monde et à s’affranchir des dogmes ancestraux. Un drame politique et familial formidablement orchestré, rectifiant de l’intérieur les nombreuses idées reçues et toutes faites sur cette religion.
Le Monde n’existe pas (Arte / Compétition française / Prix de la meilleure musique originale pour Julie Roué)
Une série éponyme en quatre épisodes adaptée du roman de Fabrice Humbert et signée Erwan le Duc (La fille de son père au cinéma et Sous contrôle pour Arte). Un jeune journaliste parisien (Niels Schneider, remarquable) apprend que le garçon dont il était autrefois éperdument amoureux est accusé du meurtre d’une jeune adolescente. Ayant décidé de couvrir l’enquête ce héros tourmenté retourne, malgré ses nombreuses réticences dans le village de son enfance, bourgade du Nord terrassé par la misère sociale. L’enquête qu’il tente de mener devient une investigation sur lui-même, sur ceux qui furent autrefois ses bourreaux ainsi que sur le garçon qui l’avait révélé à sa véritable nature. Brillante, la mise en scène d’Erwan le Duc tient à distance le premier degré du drame intime et sociale. Graphique, parfois absurde, toujours décalée, sa réalisation agit comme un contrepoint et éblouit par sa pertinence.
Dans l’ombre (France 2 / Compétition internationale)
2024. En prévision de l’élection présidentielle qui doit se tenir l’année suivante, la droite décide d’organiser des primaires. Un vote sous l’autorité incontestable de Droïde, un nouveau système électronique de comptage des voix supposé infalsifiable. Mais à l’annonce des résultats, la rumeur d’une fraude se répand et gangrène la campagne à venir. Inspirée du roman d’Edouard Philippe et Gilles Boyer (lui-même scénariste aux côtes de Lamara Leprêtre-Habib), ce thriller politique est d’une imparable efficacité. La mise en scène de Pierre Schoeller et Guillaume Senez verrouille magistralement un récit haletant et inquiet, porté par le plus beau casting français de cette année : Swann Arlaud, Melvil Poupaud, Karin Viard, Evelyne Brochu et Sofian Khammes.
Focus comédien.nes
Jérémy Gillet (Une amitié dangereuse / France télévisions / Prix d’interprétation masculine compétition française)
Ce comédien vu dans Mytho ou encore Des gens bien ordinaire et dont nous avons régulièrement vanté les mérites dans les colonnes de Frenchmania éblouit une fois encore dans le rôle du jeune Louis XIII dans cette adaptation des romans de Juliette Benzoni. Un récit en costumes très “qualité française” (donc avec ses limites) où le jeune suzerain, après s’être débarrassé de la régence imposée par sa mère Marie de Médicis, voit son pouvoir fragilisé par son union stérile avec la prude Anne d’Autriche. Peu sûr de lui, bégayant, maladivement timide mais peu à peu ambitieux et impitoyable… Un personnage de la grande Histoire moins flamboyant que d’autres mais auquel l’acteur confère une profondeur bouleversante et une complexité magistralement campée.
Meriem Serbah (Ourika / Prime / Compétition française)
Dans cette série française diffusée à partir du 28 mars sur Prime, cette magistrale comédienne vue entre autres chez Rabah Ameur-Zaïmeche, Teddy Lussi-Modeste, Abdellatif Kechiche et Audrey Estrougo interprète Madame Jebil. Habillée comme une bourgeoise de Neuilly, engoncée dans des tenues aussi rigides qu’elle, elle règne depuis le haut de la tour de banlieue où elle habite, sur un très lucratif trafic de drogue. Un pur personnage de tragédie, mère louve de ses deux fils, prête à tout pour protéger ce pouvoir au féminin qu’elle est parvenue à créer dans un monde où règne un patriarcat hégémonique. Une héroïne vorace et inquiétante, magnifiée par Meriem Serbah qui en épouse chaque opacité et dualité.
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