Tout est chaos
Ce premier film, projet porté depuis près de 15 ans par Guillaume de Fontenay, est un choc. Niels Schneider y incarne avec engagement le journaliste Paul Marchand, figure du reportage de guerre qui fut l’un des premiers à couvrir le siège de Sarajevo au début des années 90, fort de son expérience au Liban.
Jamais grandiloquent ni dans ses choix esthétiques ni dans son discours, le film parvient à rendre limpide les enjeux politiques et intimes de ce conflit si mal compris qui laissait une grande partie du monde occidental de marbre. Luttant avec opiniâtreté contre les apparats et les us et coutumes de la fausse bonne conscience journalistique, figure romanesque et contestée, Paul Marchand était la voix qui osait raconter ce siège, cette guerre, de l’intérieur, pour les auditeurs des nombreuses radios francophones qui l’employaient. Sympathie pour le diable suit son quotidien au cœur du siège de Sarajevo en 1992, ses relations avec son acolyte-photographe taiseux autant que lui est grande gueule (Vincent Rottiers, excellent), avec ses confrères dans les bureaux de presse aux allures de campement militaire (parmi lesquels Arieh Worthalter, repéré en père idéal dans Girl, ici extraordinaire en correspondant de guerre américain) mais également sa vie intime, sa rencontre avec Boba (Ella Rumpf, parfaite) et ses échanges avec la population locale avec laquelle il partage de l’intérieur l’horreur d’une guerre qui ne dit pas son nom.
Guillaume de Fontenay réussit l’impossible : la précision et le chaos, un questionnement permanent sur le rôle du journaliste et un récit haletant, un grand film de cinéma dont les sujets principaux seraient le point de vue et l’humanité. Un chef d’œuvre de cinéma vibrant, d’une intelligence rare et en tension permanente à l’image de cette “Sniper Alley” enneigée qu’on traverse à une vitesse aveugle en proie aux tirs d’assaillants invisibles.
Réalisé par Guillaume de Fontenay, avec Niels Schneider, Vincent Rottiers, Ella Rumpf, Arieh Worthalter, … 1h40 – CANADA/FRANCE/BELGIQUE – En salles le 27 novembre 2019 (Rezo Films)