Comédien québécois découvert à la télévision, puis vu au cinéma chez Dolan, Lionel Baier et Sophie Dupuis (pour qui il endosse trois rôles majeurs dans Chien de garde, Souterrain et Solo), Théodore Pellerin se partage entre les tournages canadiens, américains (Becoming a God, Boy Erased, Lurker) et français. Il a marqué récemment par son incarnation tout en finesse de Jacques de Bascher dans la série Becoming Karl Lagarfeld et poursuit son parcours international avec Nino, un premier film français profond et délicat qui lui a valu le prix d’interprétation lors de la dernière Semaine de la Critique à Cannes. Rencontre.
Comment avez-vous rencontré Pauline Loquès, la réalisatrice du film ?
Théodore Pellerin : C’était lors d’une audition il y a deux ou trois ans. Quand j’ai lu le scénario, c’était clair pour moi. Comme une évidence. Même sans connaître Pauline Loquès, j’avais le sentiment que ce scénario était vital pour la personne qui l’avait écrit et j’ai trouvé son écriture vraiment magnifique. Dès l’audition, je sentais que Pauline voulait créer un environnement stimulant pour les acteurs où on pouvait se sentir libre de jouer. Elle établissait dès le départ une connexion avec l’acteur. Il y avait une forme d’accueil et de bienveillance qui m’ont immédiatement touché et rassuré.
Au-delà de l’écriture, vous êtes-vous tout de suite senti proche du personnage ?
Théodore Pellerin : Ça passait vraiment par l’écriture. Un scénario comme celui-là, c’est un cadeau. Tout était dedans, tangible. Il suffisait de se laisser porter. J’avais l’impression d’entrer en connexion avec le personnage de Nino page après page, pas parce qu’il me ressemble, mais parce que ce qu’il traverse m’a semblé très juste et très beau.
Comment avez-vous abordé ce personnage ?
Théodore Pellerin : Je pense que mon travail, c’était surtout d’essayer de comprendre qui est Nino quand le film commence, puisqu’on lui annonce d’emblée qu’il a un cancer et, par conséquent, cette annonce vient chambouler sa trajectoire. J’avais besoin de comprendre à quel point il se sent déconnecté de lui-même, du monde et des autres. C’est tout le paradoxe que pose Pauline. Pour moi, Nino est personnage très effacé, un personnage que se laisse mourir, en un sens, avant même d’avoir l’annonce d’une mortalité possible. Mais cette annonce va finalement avoir pour effet de le ramener du côté de la vie et de la lumière. Ce qu’il a fallu que je travaille ensuite, c’était surtout une présence, une espèce de mise à nu, pour permettre une renaissance, parce que c’est un personnage qui est totalement à découvert, malgré ses vêtements larges et passe-partout. Pauline centre le récit sur les trois jours qui précèdent le début du traitement de Nino, et dans ce laps de temps, tout ce qu’il vit est très direct, frontal.
On a l’impression que dès qu’il apprend la mauvaise nouvelle, il y a une espèce de concentré de vie et de mort autour de lui … Tout se mélange.
Théodore Pellerin : Je crois que beaucoup des banalités, des frivolités et de petites choses qui nous préoccupent la plupart du temps sont comme levées à ce moment-là. Après l’annonce de son cancer, Nino est dans un état de présence qui est assez nouveau pour lui. Et ça doit être un peu déconcertant, parce que je pense que c’est comme s’il ouvrait les yeux pour la première fois depuis un moment. Qu’il voit, enfin, plus qu’il ne regarde. Qu’il est dans la vie au lieu d’être à côté d’elle, de la longer presqu’en s’excusant. Donc, c’est un peu comme ça que je l’imaginais face à des choses qui reprennent soudainement leur verticalité et leur poids. Ce que Pauline voulait raconter, c’est un retour aux sens, à la parole, à la rencontre et à la sensualité. C’est comme si c’était quelqu’un qui respirait au lieu d’être étouffé par ce truc-là.
D’un point de vue technique, la caméra est toujours très proche de vous. Comment travaille-t-on avec cette proximité ?
Théodore Pellerin : Ce n’est pas une chose à laquelle j’ai beaucoup pensé, je l’avoue. Tout s’est organisé naturellement, et notamment grâce à Lucie Baudinaud (la directrice photo, Ndlr) qui tenait la caméra. On a eu un lien très fort avec Lucie, c’était comme des pas de danse à deux, la caméra n’est jamais venue me gêner. Ce que je peux dire, ce que je me sentais – j’hésite à employer le mot “aimé” – mais en tout cas, protégé par des regards très bienveillants et très attentifs. Et puis, comme Pauline, Lucie est quelqu’un de très drôle. Elle voulait qu’on fasse une comédie (rires) ! Je crois cependant qu’il y a des moments drôles de le film et que cet humour fait du bien, parce qu’il est naturel.
Autre détail, votre accent québécois. Vous le perdez facilement quand il s’agit d’incarner un Français ?
Théodore Pellerin : Ce n’est pas que je perds l’accent, c’est que je prends un accent ! Ce n’est pas la première fois que je jouais en français, mais je ne peux pas dire que ça a été du travail pour moi. Tout a été très instinctif.
Vous tournez au Canada, aux États-Unis et en France. qu’est-ce que vous aimez particulièrement ici ?
Théodore Pellerin : De façon assez surprenante, je me sens chez moi, ici. J’aime le rapport que les gens ont au cinéma. J’aime l’importance que les gens donnent au cinéma. Ils vont beaucoup au cinéma, ils en parlent, ils s’y intéressent. J’aime aussi l’importance que la littérature a en France. Ce qui est peut-être plus important pour moi-même que le cinéma, ce sont les textes. Donc, je me sens assez heureux ici. J’ai été très chanceux. Je n’ai que fait des rencontres qui ont été formidables. J’ai aimé et été impressionné par tous les acteurs et les actrices avec qui j’ai travaillé, notamment sur ce film où tout le monde est vraiment exceptionnel. Donc, je me sens assez choyé et privilégié de pouvoir travailler en France. Les plus beaux projets de ma vie à date ont été avec des gens qui faisaient leur premier film, et notamment avec Pauline. Ce n’était pas des gens que je connaissais déjà, mais que j’ai eu l’impression de rencontrer d’abord en lisant leur scénario. Puis la rencontre en chair et en os a confirmé nos alchimies.
Nino, réalisé par Pauline Loquès, en salles le 17 septembre 2025.