À voix haute
Rien de va plus pour Jeanne (Blanche Gardin dans son meilleur rôle à ce jour). Son projet professionnel a pris l’eau de la façon la plus spectaculaire qui soit, sa vie sentimentale est au point mort, elle est sérieusement endentée et le suicide de sa mère, un an plus tôt, n’est toujours pas digéré. C’est dans la cité du fado et de la “saudade” qu’elle va tenter de surmonter cette phase dépressive. En partant à Lisbonne, ville de son adolescence, pour liquider l’appartement familial, elle va retrouver Jean, un ami de jeunesse passablement insupportable et dont elle n’a absolument aucun souvenir (Laurent Lafitte, magistral de décalage) et un ancien amant, volage et maladroit, Vitor (incarné par Nuno Lopes, parfait en lover un brin macho et pétri de doutes).
Pour son passage au long métrage, Céline Devaux, bien connue notamment pour son travail d’animation (voir son court, le sublime Repas Dominical, César du meilleur court métrage d’animation 2016) redéfinit les contours de la “romcom” avec une singularité salvatrice : une héroïne dépressive et duale qui cohabite avec une petite voix dans sa tête (petit personnage chevelu animé et incarné vocalement par la réalisatrice elle-même), des personnages “borders” et drôles mais crédibles et un aplomb plus que bienvenu pour casser les codes de l’exercice. Sans jamais s’appesantir sur les affres qui dévorent Jeanne et les hommes qui l’entourent, le film séduit par une direction artistique impeccable, une mise en scène inspirée mais surtout par la complexité et la profondeur de ses personnages qui se dévoilent au fil de scènes très drôles et jamais vaines. Faisant fi du sentimentalisme gnan-gnan, des lieux touristico-romantiques, des personnages idéalisés et des assignations genrées, Céline Devaux n’a de cesse de dynamiter son récit en multipliant les pas de côté, en trompant les attentes et en suivant un fil ténu entre tendresse et sarcasme. Assurément la comédie la plus réussie de cette rentrée cinéma.
Réalisé et écrit par Céline Devaux, avec Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Nuno Lopes, Maxence Tual…- France – 1h35 – En salles le 7 septembre 2022 – Diaphana Distribution