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Un Havre de paix de Yona Rozenkier

par | 8 Juin 2019 | CINEMA

Déflagration familiale

Copyright Pyramide Distribution

C’est un premier long métrage très personnel que signe le réalisateur israélien Yona Rozenkier, choisissant pour décor à sa fiction le kibboutz où il a grandi, et deux de ses frères pour tenir les rôles principaux. Tout commence par des retrouvailles et des disputes, celles d’une fratrie meurtrie, réunie pour enterrer le patriarche. Comme si le poids de ce chagrin ne suffisait pas, s’ajoute la peur de voir partir Avishaï, le plus jeune des fils de la famille, à la frontière libanaise où un nouveau conflit vient d’éclater. Le terrain est donc miné et la tragédie grandit. Cependant, Yona Rozenkier a l’intelligence de désengager le pathos pour faire exister dans le champ des sentiments plus complexes, notamment par le biais du burlesque. Cette famille en morceaux et sous pression devient l’expression symptomatique de la gravité permanente à laquelle contraint la guerre. Un Havre de paix parle autant du poids quotidien de cette dernière que du poids du devoir qui pèse sur ces jeunes soldats, éduqués à la virile. Ici, de père en fils, on a vu la guerre, et l’obéissance à l’injonction de masculinité (enjeu prioritaire d’éducation) finit par devenir aussi toxique que la guerre elle-même. Synonymes de Nadav Lapid évoquait déjà le sujet de la plus singulière et féroce des façons. La plus belle des déclarations dans ce film-ci est faite en musique, lorsque nos trois héros de frères dansent dans un bar sur Dancing Queen d’Abba. Tout est dit (alors que les non-dits accablent les protagonistes), et l’espace d’un instant, la souffrance de ces jeunes hommes s’évanouit. De caractère, ce premier film doux et râpeux ne manque pas. Il expose sans fard, mais à coup de paintball, les stigmates des traumatismes de plusieurs générations, essayant de faire entrer la lumière là où domine l’ombre.

Réalisé par Yona Rozenkier. Avec Yona Rozenkier, Yoel Rozenkier, Micha Rozenkier, Claudia Dulitchi… Durée : 1H31. En salles le 12 juin 2019. COPRODUCTION ISRAËL – FRANCE.

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