Vacances cauchemardesques
La composition ressemble à un tableau représentant Les Hauts de Hurlevents. Une plage des Landes où repose un beau jeune homme, Martin (hypnotique, Andranic Manet), au premier plan sur le sable. Se confondant avec les herbes hautes et la mer, le vent dans les cheveux, une silhouette de femme apparaît au fond. Reléguée symboliquement au second plan, Marie, interprétée par Géraldine Nakache stupéfiante à contre-emploi, se précipite vers le danger. Ce second plan, est celui qu’elle occupe dans son rôle d’épouse et de mère où elle se doit d’être irréprochable, celui de la charge mentale qui incombe aux femmes. Ici, elle est seule dans la maison de vacances familiale avec ses trois enfants et sa belle-fille. Elle, qui a peur de tout, et en particulier de l’eau, métaphore sensée de la maternité. Dès les prémisses de leur premier long métrage, les deux cinéastes installent cette tension de conte palpable dans l’élaboration de chaque image. Le mari et père, physiquement absent plane comme un fantôme tandis que son nom est de toutes les conversations. Les enfants se méfient mystérieusement de leur mère. Les voisins semblent épier chacun des gestes de Marie. Ou encore, des bruits étranges persistent dans la vieille demeure, sans réseau. La mise en scène de Vacances – titre légèrement trompeur – navigue dans ces eaux troubles du thriller surnaturel voire de l’horrifique pour mettre en place cette rencontre avec le jeune et dangereux voisin, Martin. Il flaire la fragilité de cette femme étouffée dans une atmosphère pesante. Elle en fait alors le reflet de ses névroses, car c’est de dépression dont il est ici question en sous-texte. Le film assume l’aspect invraisemblable de cette attraction entre eux, n’en faisant jamais une passion sexuelle banale, d’une femme délaissée par son mari. Mais plutôt, une attirance maléfique, alliée à une toxicité infusée comme un plongeon dans la folie, incarnée dans ce personnage masculin. Vacances bascule alors dans une intense cruauté paranoïaque jusqu’à la libération, et la réconciliation par une forme de sororité inattendue, pour se retrouver soi en tant que femme – avant d’être une mère. Béatrice Sebbah de Staël et Léo Wolfenstein parviennent à tenir tout du long sur ce fil d’équilibriste, entre les tonalités fantastiques et réalistes, ce personnage digne des plus grandes héroïnes de la littérature, dans lequel Géraldine Nakache déploie son immense talent de comédienne, loin de la comédie.
Réalisé par Béatrice Sebbah de Staël et Léo Wolfenstein. Avec Géraldine Nakache, Andranic Manet, Béatrice Sebbah de Staël… France – 1h 45 – En salles le 28 septembre 2022 – Paname Distribution.