Une femme de 70 ans mystérieusement enceinte, ses trois filles quadra, un appartement parisien, c’est le cadre de la première série de Valérie Donzelli dont les derniers épisodes sont diffusés ce soir sur Arte. Accompagnée des merveilleuses Miou Miou, Clotilde Hesme et Virginie Ledoyen, Donzelli déploie son habituelle fantaisie dans un récit familial, fantastique, politique et féministe. FrenchMania a rencontré la réalisatrice-autrice-comédienne pour évoquer Nona et ses filles, une première expérience sérielle dans laquelle “les rebondissements sont de l’ordre de l’intime“.
Est-ce que vous pensiez depuis longtemps à investir l’univers de la série télé ?
Valérie Donzelli : Je n’y avais pas du tout pensé ! C’est Gaumont qui m’a proposé de faire une série avec eux. Je n’en regarde pas beaucoup et mes souvenirs étaient plutôt liés aux premières sitcoms américaines dans la veine de Seinfeld. Ce qui m’en restait c’est la notion d’attachement aux personnages. Comme j’aime écrire des personnages, je me suis dit que la série pouvait être une belle aire de jeu pour faire ça. La famille c’est aussi un thème assez sériel. J’avais envie de raconter une histoire autour d’une mère et de ses filles et j’ai eu le sentiment que c’était le bon endroit pour développer cette thématique : des filles triplées qui viennent revivre chez leur mère qui tombe enceinte.
Votre fantaisie se déploie de la meilleure façon sur ces 9 épisodes et n’est jamais vaine, elle donne à comprendre des éléments très profonds…
Valérie Donzelli : Oui c’est un peu conçu comme ça. J’aime bien porter un regard un peu décalé soit par du fantastique, soit par de la drôlerie ou une sorte de poésie pour raconter des choses profondes sans être dans un matraquage. Dire des choses qui peuvent déranger ou choquer avec un peu de douceur qui permette qu’on les entende sans que cela soit calculé.
Et vos personnages sortent toujours du cadre convenu, notamment en ce qui concerne les représentations de la masculinité, de la féminité…
Valérie Donzelli : Je crois que ce qui me touche dans mes rencontres avec les gens c’est quand il y a quelque chose qui sort du cliché. J’aime les gens qui sont boiteux et surtout les hommes qui ne sont pas complètement à l’aise avec leur masculinité. J’aime la douceur des hommes. Ma mère avait une très forte personnalité qui prenait vraiment toute la place et mon père était doux et effacé. Ce sont des choses que j’ai pu observer et c’est ce que j’aime montrer. La comédie c’est aussi montrer l’inverse de ce qui est attendu et ça sert la surprise du spectateur.
Comment on se choisit une famille, une mère et deux sœurs ?
Valérie Donzelli : On les choisit déjà à l’écriture en créant une famille dont on aimerait faire partie. Le curseur pour Nona, c’était de créer l’univers d’une enfance fantasmée. Moi je n’ai pas grandi à Paris mais à Créteil, je n’avais un appartement chaleureux comme celui de la série mais plutôt une maison “Phénix” qui n’avait vraiment aucun intérêt. Même si mon enfance a été assez joyeuse, elle n’était pas du tout baignée dans un militantisme intellectuel de gauche. J’ai créé mon enfance rêvée. Après, j’ai choisi des actrices qui pouvaient au mieux incarner cela. Miou Miou est une femme qui a toujours été militante, qui représente une forme de liberté, elle a été nommée de nombreuses fois aux César sans jamais y mettre les pieds parce qu’elle s’en fout et qu’elle est libre. Et puis c’est une star et on a tous grandi avec elle. Je trouvais qu’elle était parfaite pour le rôle, elle disparait derrière le rôle, Nona existe. Et j’ai cherché des sœurs qui pouvaient au mieux être Manu et Gabrielle. Virginie Ledoyen avec qui j’avais déjà travaillée sur Notre-Dame et qui est devenue une amie est une comédienne que j’adore et que j’aime voir dans des comédies car elle a ça en elle. Clotilde Hesme est une actrice très émotionnelle, je l’avais trouvée hyper juste dans son “seul en scène”, elle était idéale pour le rôle.
Est-ce que vous vous êtes sentie plus libre en termes d’écriture ou de mise en scène dans ce champ de la série ?
Valérie Donzelli : Oui et non mais il y a une vraie liberté d’aborder des thèmes qu’on aborde moins au cinéma. La famille c’est un thème très sériel qui est assez peu utilisé en France et pour moi c’était un endroit évident. Et je voulais vraiment faire une série de personnages, qu’on ai envie d’être copine avec ces filles, qu’on soit triste quand ça s’arrête. Si je n’ai pas cherché à faire une grande série politique, je pense que c’est une série féministe sans que cela soit l’intention première. C’est presque inconscient et j’avais envie d’écrire pour une femme de 70 ans. Cela permettait de mettre en avant le côté physique de la grossesse, les transformations et les chamboulements énormes pour le corps de la femme alors que pour un homme c’est un effort physique assez court ! Et puis c’est important de rappeler que les femmes sont maîtresses de leurs propres corps, que c’est quelque chose qu’il ne faudra jamais remettre en cause. Encore aujourd’hui, avorter c’est tabou ! Cela reste compliqué.
Avez-vous envisagé une saison 2 ?
Valérie Donzelli : Quand j’ai écrit Nona, je me suis dit que c’était des personnages que j’avais envie de continuer à raconter et à incarner en ce qui concerne George. Ce sont des personnages qui peuvent vivre sur le long cours et l’envie est là parce que j’ai l’impression que les retours sont très forts. Moi, j’ai très envie d’une saison 2, ça dépendra de la chaîne.