À l’occasion de la diffusion sur OCS City dès le mardi 2 octobre du court métrage Marche sur l’eau, FrenchMania met un coup de projecteur sur la réalisatrice Vanessa Caffin. Ancienne journaliste sportive, elle publie son premier roman J’aime pas l’amour, ou trop, peut être en 2008, révélant d’entrée de jeu une plume incisive. L’écriture dans la peau, l’idée de s’attaquer à un scénario vient s’imposer d’elle-même dans son parcours. Marche sur l’eau est son premier court métrage.
Désamour en Somme
Qu’y a-t-il de pire que d’aller au mariage de sa meilleure amie lorsque l’on vient de se faire plaquer ? Cette phrase en guise de pitch annonce d’emblée la saveur retorse du court métrage. En quelques plans et situations, la réalisatrice croque ses personnages et nous plonge dans une délicieuse tragi-comédie qui ne manque pas de sel, au cœur de la Baie de Somme. La caméra – toujours à bonne distance – nous présente Sara, jeune femme déprimée à la suite d’une rupture amoureuse, qui reçoit une invitation au mariage de Marie, sa meilleure amie. En bonne camarade et pour se changer les idées, Sara débarque de Berlin au Crotoy pour les préparatifs du mariage, et découvre très vite son amie comme elle ne l’avait jamais vue. L’auteure dévoile par le biais de scènes douces amères le délitement d’une amitié promise à la solidité inoxydable malgré les vents mauvais de la vie. Mais l’océan de l’amour va engloutir ce lien, alors que Marie est submergée d’amour pour son nouvel homme, véritable Apollon vétéran (délicieusement incarné par Olivier Pagès), champion local et senior de canoë, au point d’accepter toutes les manies et exigences saugrenues. Alternant avec subtilité des séquences amusantes, pittoresques et touchantes, cette comédie douce-amère ne rate pas sa cible : elle met le doigt sur les compromissions et les petites lâchetés. Marche sur l’eau, c’est aussi un solide duo d’actrices à l’écran : Tatiana Werner, impeccable et drolissime et Alysson Paradis, très touchante et moderne, font rouler dialogues, rires et larmes à merveille.
Entretien avec Vanessa Caffin
Journaliste, romancière, animatrice, d’où est né votre désir de réaliser un court métrage ?
Il est né après l’échec de plusieurs projets d’adaptation de mes romans. Mes livres étaient tellement ancrés dans ma tête que je n’arrivais pas à accepter qu’un réalisateur ou un scénariste se l’approprie différemment. Un jour, une amie m’a dit: « au lieu de faire perdre du temps à tout le monde, pourquoi ne les adaptes-tu pas toi-même ?». C’est comme ça que l’aventure a commencé…
En quoi l’écriture d’un scénario diffère t-elle de celle d’un roman ?
Pour moi, l’écriture de roman, c’est l’école buissonnière ! J’aime la musique des mots et cette liberté merveilleuse que le roman offre sur le fond comme sur la forme. Dans un scénario, la musique est ailleurs. On doit voir le film rien qu’en le lisant. Les belles phrases ne servent à rien tant qu’elles ne montrent rien. La phrase la plus élaborée que vous pouvez être amenée à écrire, c’est : « la table est bleue »… mais c’est visuel ! Pour un écrivain, c’est parfois frustrant… L’autre grande différence, c’est qu’il n’y a pas de limites à votre imagination dans un roman. Alors que dans un scénario, il faut tenir compte des contraintes financières et logistiques de la production. Il faut rêver malin et dans un cadre imposé !
Que vous apporte la mise en images de vos mots, que vous ne pouviez pas illustrer totalement par l’écriture ?
Quand vous écrivez, les personnages n’existent que dans votre tête, dans votre imaginaire. La réalisation vous permet de leur donner vie, de les incarner. Vous habillez chaque centimètre carré de l’image, à travers les décors, les costumes, les paysages… En fait, la mise en image de mes mots me permet tout simplement de les vivre ! Et c’est d’autant plus bouleversant ! C’est comme si, tout d’un coup, la fiction devenait réalité.
Pendant le tournage comment avez-vous dirigé le duo Tatiana Werner et Alysson Paradis en particulier, et le reste du casting ?
La clé, ça a été leur bienveillance, leur implication et leurs rires ! On s’est beaucoup parlé elles et moi, et la jolie relation qu’elles ont nouée ensemble pendant le tournage a rejailli à l’image. On sentait qu’elles s’amusaient ! Sur chaque scène, elles étaient force de proposition, en vraie recherche de perfection. Le dernier jour du tournage, par exemple, on s’est rendu compte que la fin du film, comme elle était écrite dans le scénario, ne fonctionnait pas. Immédiatement, elles ont proposé de tester des choses, et on a trouvé, ensemble, la solution. Aux côtés de Tatiana et Alysson, il y a Olivier Pagès qui a été d’un pouvoir comique et d’un souci du détail absolument formidables.
Novice dans le monde du cinéma, le financement du court métrage a t-il été difficile à trouver ?
OCS nous a rejoint très tôt dans le projet et cela a créé une vague d’enthousiasme au sein des équipes et de la production. Dans la foulée, mes producteurs (APC, Alliance de Production Cinématographique) se sont associés à un coproducteur fortement engagé sur le projet et, ensemble, ils ont porté ce film sans autre aide financière. Je mesure le cadeau immense qu’ils m’ont fait et les risques, aussi, qu’ils ont pris.
Quelles sont vos influences cinématographiques ?
J’aime l’esthétisme de Spike Jonze, l’univers onirique et chorégraphié de Wes Anderson, l’humour des comédies anglaises, si élégant et sophistiqué, le génie de Woody Allen, et le cinéma décadent et bouleversant de Paolo Sorrentino.
Après ce premier court métrage, avez vous d’autres projets dans le domaine du cinéma ?
Nous avons tourné ce court métrage comme une préparation du long métrage que je développe actuellement avec mes producteurs. Il s’agit d’une comédie romantique qui est l’adaptation très libre de l’un de mes romans. L’histoire, c’est un peu comme si Amélie Poulain tombait amoureuse de Forrest Gump ! On y retrouvera notamment Alysson Paradis et Tatiana Werner, les actrices de Marche sur l’eau. Nous sommes actuellement en train de finaliser le casting avant de partir bientôt en financement.
Propos recueillis par Sébastien Boully.
Affiche : Francisco Bianchi