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Vermines de Sébastien Vaniček

par | 27 Déc 2023 | CINEMA, z - 1er carre droite

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C’est la pépite inattendue de cette fin d’année. Après les récents et remarqués La Nuée de Just Philippot, Le Règne animal de Thomas Cailley,  Augure de Baloji ou encore Vincent doit mourir de Stephan Castang, le cinéma français que l’on dira sommairement de genre (horreur, survival, fantastique…) continue d’afficher une belle et insolente santé. Insolente car faisant mentir l’adage qui voudrait que nous soyons incapables de nous mesurer au registre du frissonnant. Le premier film de Sébastien Vaniček, jeune cinéaste ayant près de cinquante courts à son actif, stupéfie et réjouit par son habilité à mettre en scène l’invasion d’aranéides de toutes tailles au cœur d’une de ces cités de banlieue oubliées par cinquante ans de politique si peu sociale. Seuls face à la déferlante de petite, moyennes et énormes bêtes à huit pattes, cinq gamins adulescents (Théo Christine, Lisa Nyarko, Sofia Lesaffre, Finnegan Oldfield et Jérémy Niel) se battent avec des moyens très précaires. Débute ainsi une lutte pour la survie pour ces héros sans héroïsation particulière, tous réprouvés du système, parqués comme les animaux dans des cases dont personne ne souhaite les voir sortir. Voilà pour le message politique, habilement métaphorisé. L’enfermement du “syndrome du banlieusard” comme le décrit son auteur qui en fut longtemps la victime. Mais l’arrière-fond militant ne serait rien si le cahier des charges du film, celui suscitant paranoïa et anxiété extrêmes, n’était pas rempli avec autant de talent et de virtuosité. La mise en scène, oscillant entre caméra portée pour la tension et compositions formelles hyper réfléchis de travellings bien flippants, referme implacablement son piège sur ses protagonistes et sur les spectateurs. La vétusté des lieux où se déroule Vermines, locaux à l’abandon, ascenseurs en rade et éclairages en berne est au cœur du la réalisation. Ramenant sans cesse du sens à cette haletante course poursuite. En jouant la carte de la bichromie en hommage aux films en noir et blanc, en multipliant par un seul jeu de reflets les différents points de vue dans un même cadre, en jouant d’images kaléidoscopes, Sébastien Vaniček époustoufle. Mais pas seulement. Son film n’est pas un coup de chance. C’est une véritable claque formelle. La scène de la salle de bain ou celle se déroulant dans l’espace obscur et exigu d’un couloir envahi par les toiles sont d’ores et déjà des séquences d’anthologie. Toute la construction du film est pensée pour édifier une gradation imparable et exponentielle. Son autre talent est de savoir écrire ses personnages et parfaitement choisir ses comédiens. Venu de la scène comique, Jérémy Niel suspend l’inquiétude grandissante d’un humour candide remarquablement dosé et Lisa Nyarko est impeccable dans la peau revêche d’une jeune femme remontée contre le déterminisme dont elle et ses amis sont victimes. Et dans le rôle de Kaleb, Théo Christine compose une figure centrale d’une impressionnante richesse émotionnelle. Même si la seule vue de ces arthropodes vous panique (c’est le cas de l’auteur de ces lignes), ne passez pas à côté de cette avalanche de vermines.

Réalisé par Sébastien Vaniček. Avec Théo Christine, Lisa Nyarko, Sofia Lesaffre, Finnegan Oldfield et Jérémy Niel… Durée : 1H45. En salles le 27 décembre 2023.

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