Récit clinique du meurtre d’un enfant par un jeune séminariste qui lutte contre ses pulsions troubles, Bruno Reidal, confession d’un meurtrier, premier long métrage de Vincent Le Port est d’une beauté et d’une simplicité sidérantes. Dès sa présentation à la Semaine de la critique à Cannes, le réalisateur a été souvent vu comme un digne héritier du naturalisme de Robert Bresson. FrenchMania a rencontré Vincent Le Port pour justement parler de ses influences pour ce film.
« On m’a souvent parlé de Robert Bresson et j’ai été assez surpris parce que je n’aime pas tout Bresson même s’il y en que j’aime énormément. Avant le tournage, avec mon chef opérateur, nous avons revu Un condamné à mort s’est échappé (1956) mais surtout pour des raisons techniques concernant la prison et la question de comment filmer une cellule de prison même si cela ne représente pas grand-chose dans le film. A part cela, Bresson n’était pas une des références du film mais il y en avait beaucoup. Bien évidemment et avant tout, Moi Pierre Rivière ayant massacré ma mère, ma sœur et mon frère de René Allo (1976) mais également des références importantes sur l’aspect film historique. Les films d’époque de Pialat comme La Maison des bois (série de 7 épisodes de 52 minutes réalisée en 1971, NDLR) ou Van Gogh (1991) et Sous le soleil de Satan (Palme d’or 1987) nous ont beaucoup aidé à imaginer un film d’époque qui ne fasse pas film d’époque, à essayer de se dire qu’on n’allait pas faire de la reconstitution trop voyante. Il y avait aussi quelques-uns des films historiques de Werner Herzog.
J’avais aussi dans mes références de travail tout une branche de « teen movies » comme Mes Petites amoureuses d’Eustache (1974), Paranoïd Park de Gus Van Sant (2007) ou la trilogie des années 70 qu’avait réalisée Bill Douglas sur son enfance dans l’Angleterre prolétarienne (Mon Enfance, Ceux de chez moi, Mon Retour, 1972, 1974, 1978). Pour les scènes d’examens, j’ai pensé à des scènes que j’aime bien dans The Master (2012) de Paul Thomas Anderson, des dialogues entre Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman. J’aime beaucoup Gus Van Sant donc concernant la notion de désir érotique, j’ai beaucoup pensé à My Own Private Idaho (1991) mais une des grosses références du film, pour moi, c’est Taxi Driver (1976) !
Ce n’était pas tellement plan par plan mais plus pour l’utilisation de la voix off et l’idée d’être en empathie avec un personnage pas aimable, ici, un chauffeur de taxi raciste, homophobe, sexiste qui veut exterminer tout le monde. On est quand même en empathie avec lui et il a aussi ce rapport à la sexualité très honteux. C’est intéressant de voir comment traiter ce genre de personnage : il ne faut pas les juger, pas les prendre de haut et se dire, qu’après tout, ce sont des humains et que nous avons des choses en commun même si cela peut paraître bizarre.
J’avais précédemment réalisé un court métrage en noir et blanc et beaucoup de gens, à la lecture du scénario de Bruno Reidal imaginaient le film en noir et blanc. Pour moi il était évident que le film devait être en couleurs, pour voir les saisons, mettre en valeur la nature… Et j’avais envie de jouer sur les contrastes entres les parties au séminaire ou en prison qui sont plutôt sombres et froides et celles à la ferme avec une nature plus chaude. Et une fois de plus je pensais au Van Gogh de Pialat qui film cette nature et la fin du 19ème siècle de façon très sobre. Nous avions moins de moyens que lui mais cela nous a obligé à un gros travail de repérage pour trouver des lieux encore dans leur jus, qui existait. Cela nous permettait de tourner 360° et de sentir cette pierre qui est chargée de temps.
En fait mes références étaient vraiment très variées et beaucoup sont sans doute inconscientes ! »