Depuis Parlement (notre série française préférée depuis le confinement, lire : ici), Xavier Lacaille (à droite sur la photo), acteur auteur prometteur autant qu’inclassable, multiplie les projets et nous séduit à chaque fois par son jeu élégant, faussement désinvolte, d’une grande précision et d’une redoutable rigueur. Interview.
Vos deux carrières d’auteur et d’acteur pour l’instant sont pratiquement à pied d’égalité. Mais la première étincelle, la première envie, d’où vient-elle ?
Xavier Lacaille : En fait, elle est concomitante. J’ai fait des études aux Etats-Unis, à la fac de San Francisco et lors des premiers cours de théâtre qui faisaient partir du cursus, on nous a demandé d’écrire et de jouer. C’était vraiment la première fois que je faisais du théâtre de ma vie. Je ne connaissais ni le théâtre, ni l’écriture, ni le jeu. Rien. A l’époque, j’étais maladivement timide. J’étais en binôme avec un Américain. Un mec qui s’appelait Stacy, super fort, très déterminé qui a pris les choses en main car il fallait écrire une scène à deux afin de la jouer vingt minutes plus tard. Donc en fait, l’écriture et le jeu sont nés exactement au même moment. Et n’ont jamais cessé d’être la même chose pour moi. Quand je suis comédien sur un plateau, je ne suis pas du tout auteur. Et vice et versa. Quoique quand on écrit, pour jouer un peu les scènes, ça peut aider. Mais en revanche l’envie est étrangement la même. Elle se situe au même endroit.
S’il fallait définir cette envie ?
C’est un peu abstrait. C’est vraiment les films et les séries qui m’ont éduqué. J’avais en tête des personnages qui me donnaient des archétypes et des lectures de plein de choses. Toute ma vie, j’ai vu les choses à travers ce prisme-là. Des récits, quels qu’ils soient, qui m’ont fait sortir de ma petite bulle. Y compris les jeux vidéo qui pour moi étaient de grandes aventures. Quand j’ai compris que c’était quelque chose qui m’habitait, je me suis dit, pourquoi ne pas essayer, à ma manière, d’y aller ? J’ai donc essayé plein de trucs différents. Et le jeu et l’écriture ont été les deux endroits où physiquement je me sentais le mieux. Le jeu a transcendé ma timidité et l’écriture m’a permis d’exprimer des choses que je ne pouvais pas exprimer dans la vie. Je déteste les débats, je n’aime pas échanger. Je préfère largement écouter qu’exprimer. Quand j’étais plus jeune, j’ai fait des études de droit où nous avions des cours de rhétorique. Beaucoup. Et c’est sans doute ce qui m’a dégoûté aussi… Cette idée d’une vie tournée autour du fait d’avoir raison m’a effrayé. Je me suis rendu compte que cela me rendait vraiment malheureux, et que l’expression de ma pensée et de mon opinion pouvait se faire de manière détournée dans des fictions. D’où l’importance pour moi des récits comme Zénithal par exemple, qui sont très métaphoriques, et dont on ne perçoit pas forcément immédiatement qu’ils sont en train de nous amener vers une voie et vers une pensée. Et quand j’ai compris cette puissance de la fiction, je me suis dit qu’il fallait que je fasse ça à tout prix.
Il y a quelque chose de très ludique dans votre jeu…
En fait, c’est con, mais jouer ça m’a toujours fait kiffer. Au sens premier du terme. Le jeu c’est vraiment très enfantin. Ça me ramène immédiatement à l’enfance. Sur un plateau, je suis terriblement bête (rires). Vraiment. Je fais exactement ce qu’on me dit de faire. Je n’ai qu’une hâte, c’est que le metteur en scène vienne me voir et me dise : on va faire ça. Et ça va être super amusant. Pas uniquement dans la comédie, par ailleurs. On peut également être ludique dans un registre plus dramatique. Le plus important, c’est de toujours ressentir une envie. Je ne me satisfais jamais. J’adore refaire, et refaire. Pas pour se répéter, mais juste pour essayer de creuser. Dans le jeu je ne suis qu’instinctif alors que dans l’écriture, exercice où la pénibilité est perpétuelle et indispensable, je suis beaucoup plus théorique et structuré.
Parlons de la série Parlement. Une comédie politique alerte et persifleuse… où vous interprétez Samy, un jeune assistant parlementaire naïf et cocasse…
Ce qui est ironique, c’est qu’à l’origine je suis plutôt sur le drame. Quand j’étais en école de théâtre, je n’étais pas spécialement drôle et les gens ne me voyaient pas comme quelqu’un de tel. Je n’avais pas encore trouvé mon clown entre guillemets. J’allais donc plutôt vers les rôles sérieux. Et je m’y éclatais. Et puis, j’ai découvert combien il était plus excitant et galvanisant d’essayer de faire rire. Parlement, c’est un projet sur lequel je voulais écrire car j’étais à Canal au moment où il y était en développement. Je rêvais depuis longtemps d’écrire sur le droit européen et de le faire par une porte complètement absurde qui serait celle du jeu et de la fiction m’intéressait beaucoup. Lorsque j’ai lu les premiers scripts et découvert le rôle, j’ai su que je devais jouer Samy. Il n’était pas possible de le donner à quelqu’un d’autre (rires). Cela réunissait et croisait tant de choses qui me passionnent.
Changement de registre avec Zénithal de Jean-Baptiste Saurel où vous campez un savant fou. Un hilarant paradigme du genre dans lequel vous apportez paradoxalement de l’émotion…
Mais c’est indispensable. Que ce soit en écriture ou en jeu, je vois toujours les choses en termes de trajectoire émotionnelle. En lisant le scénario, je me suis dit, d’accord on a affaire à un gars détruit au plus profond de son âme, qui ne pourra plus jamais vivre dans ce monde moderne et qui doit donc le quitter. C’est l’histoire de cette chute que j’ai eu envie de raconter. L’intensité émotionnelle du personnage, elle est là.
Vous avez une méthode très personnelle de préparation aux rôles…
Je fais beaucoup d’hypnose avant chaque rôle. Pendant longtemps je préparais des rôles au plateau physiquement, sans coach. Je cherchais plutôt la manière dont mon personnage marchait ou s’exprimait. Avec mon hypnothérapeute, je travaille à libérer l’inconscient. Évidemment j’ai beaucoup lu le scénario avant cela, j’ai déjà des propositions mais l’hypnothérapie me permet de me mettre très progressivement dans le personnage. Il y a un truc physique. Ce personnage de savant démoniaque est né au cours de l’une de ces séances. J’ai fondu en larmes, j’ai beaucoup hurlé. J’étais dans une colère profonde et intense. Et je me dis ah ok, voilà où est le personnage. Et pour le trouver, il va falloir aller jusque-là. Pareil pour le casting de la série Parlement. J’avais fait juste avant fait une séance d’hypnose au cours de laquelle j’avais commencé à me dresser et à marcher sur la pointe des pieds. À l’issue de cela, je n’ai pas posé le talon pendant plusieurs heures. Du coup jusqu’à l’épisode 7 ou 8 de la première saison, je n’ai posé pas les talons. Évidemment on ne filme pas forcément les pieds (rires) mais c’est ce qui a induit quelque chose de très léger, de très bancal et de jamais stable chez Samy qui avait du sens.
On vous retrouvera enfin auteur et acteur début septembre dans la fiction courte Jibé et Lucien en coulisses, diffusée sur France 5 durant l’émission C à vous. Le quotidien de deux assistants pas très adroits dans le monde de la télé…
Le format est très particulier et c’est un exercice que je trouve génial car il faut arriver en très peu de temps à raconter un truc et à faire rire. Le rire est ici le gage du succès. Cette série m’a rappelé l’importance du lâcher prise qui est nécessaire en comédie, ainsi que la capacité à s’adapter. Tout en ayant évidemment une exigence.
Zénithal de Jean-Baptiste Saurel avec Xavier Lacaille, Vanessa Guide, Cyril Gueï. The Jokers Film. En salles depuis le 21 août.1h20