Une lanceuse d’alerte tiraillée entre sa conscience et sa famille et une journaliste prise entre sa neutralité professionnelle et son devoir de citoyenne. Zita Hanrot et Céline Sallette sont les héroïnes de Rouge, un thriller écolo signé Farid Bentoumi, en salles le 11 août 2021. Interview en cinq questions des comédiennes.
propos recueillis par Nicolas Bellet
C’est à vous, Zita, que Farid Bentoumi pensait en écrivant le personnage de Nour ?
Zita Hanrot : Farid m’a effectivement dit qu’il avait d’abord écrit le personnage de Nour en pensant à moi, parce qu’il avait beaucoup aimé Fatima (de Philippe Faucon, NDLR) dans lequel je joue. Ensuite, au fil des ré-écritures, Nour est devenu un personnage masculin, puis finalement Farid l’a à nouveau repensé au féminin. Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime l’idée que mon personnage n’était pas définitivement genré dans l’esprit de Farid.
Et pour vous, Céline, il a ré-écrit le personnage d’Emma en fonction de votre parcours de vie ?
Céline Sallette : Oui, heureusement que Farid ne m’a pas mise au placard parce que j’étais enceinte (rires) ! Il a eu cette intelligence de se dire qu’Emma, qui est journaliste de profession donc, peut être à la fois sur le terrain et enceinte. Ce n’était pas un sujet. Et ce n’est pas un sujet dans le film d’ailleurs, ce que je trouve extrêmement remarquable dans le cinéma actuel.
Ici, l’écologie et la famille sont liées : ce qui est en jeu dans le film, ce sont les générations futures. Le fait qu’Emma soit enceinte est signifiant.
Céline Sallette : Oui bien sûr ! Ce que je veux dire, c’est qu’il y a, avec cette vraie grossesse, quelque chose qui dépasse un peu le film. De pouvoir prêter de soi, de son intimité à un personnage, à un film, franchement, c’est une grande chance. Et tant mieux si ça apporte quelque chose, si c’est le cas, c’est parce que c’est fait avec finesse.
Zita Hanrot : Tout à fait. Je trouve que ta grossesse apporte une rondeur au film qui est quand même un drame assez âpre et assez dur…
Un film où les secrets ont une place prépondérante aussi…
Zita Hanrot : Oui, Rouge est construit comme une tragédie, une tragédie antique, avec tout un environnement familial vacillant. Quand je préparais le rôle, je pensais très fort à Hamlet, ce personnage qui, en cherchant la vérité, va mettre en péril l’équilibre de sa propre famille. La question du secret au sein de la famille est prégnante. Pour moi, l’usine chimique dans laquelle travaille le père de Nour (Sami Bouajila, NDLR) en est une métaphore : un lieu clos, des choses enfouies, qui passent dans d’imposants tuyaux, qui tuent les gens à petit feu, de manière insidieuse.
Le film raconte aussi une émancipation (d’un système, d’un environnement), une prise de conscience vive.
Zita Hanrot : Oui, Nour est la petite dernière de la famille et elle va petit à petit devenir une jeune femme qui s’engage. Ça commence quand elle est embauchée comme infirmière à l’usine. Elle quitte le monde de l’enfance et de l’innocence de manière violente.
Céline Sallette : Mais c’est aussi l’émancipation au sens large. Je crois que la question que pose le film, c’est celle de la transformation : “comment pouvons-nous nous transformer ?”. Ça passe, je crois, par des sacrifices. Pour Nour, ça prend la forme d’une remise en question de son mode de vie : elle ne peut plus habiter chez son père et continuer à faire semblant de ne rien voir. Nous faisons déjà face, nous aussi, à des enjeux écologiques qui nous dépassent et devoir sacrifier des conforts qui étaient les nôtres, des habitudes, des atavismes parfois, pour aller vers de nouvelles façons de vivre me semble aller de soi. C’est l’un des sujets forts du film.