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Festival du Film Francophone d’Angoulême 2020 : nos coups de cœur en compétition

par | 23 Août 2020 | CINEMA, z - 2eme carre gauche

L’édition 2020 du Festival du Film Francophone d’Angoulême touche à sa fin. Des avants-premières remarquées, comme La pièce rapportée d’Antonin Peretjatko, délicieuse comédie avec Josiane Balasko, Philippe Katerine et Anaïs Demoustier, mais aussi une carte blanche offerte à La Semaine de la critique venue présenter quatre films (De l’or pour les chiens, La Terre des Hommes, La Nuée et Sous le ciel d’Alice). Dix longs métrages ont été projetés en compétition quant à eux. Voici nos coups de cœur.

Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal – en salles le 16 septembre

Copyright Julien Panié / CHAPKA FILMS / LA FILMERIE / FRANCE 3 CINEMA

Elle en a gros sur la patate Antoinette quand elle apprend que son amant Vladimir plante leur semaine de vacances pour une randonnée dans les Cévennes avec âne, femme et enfant. Et puis la maîtresse (de Vladimir dans le privé et de sa fille professionnellement) prend le taureau par les cornes et décide elle aussi de tenter l’aventure, espérant croiser son amoureux falot. C’est ce qu’il conviendra d’appeler un retour gagnant. 20 ans après son premier long métrage Les Autres filles, Caroline Vignal signe Antoinette dans les Cévennes, la comédie parfaite de la rentrée !  Le film est drôle, intelligent, divinement réalisé et joue de la meilleure façon, tel un western cévenol et psychanalytique, de la dilution des petites rancœurs dans les grands espaces. Mais surtout l’Antoinette de Caroline Vignal, maladroite et touchante, gênante et sensible, dans laquelle le film nous invite à projeter toutes nos névroses, est incarnée par l’immense Laure Calamy. De chaque plan, la comédienne trouve enfin l’occasion d’explorer l’étendue de sa palette d’actrice face à l’âne Patrick son partenaire de jeu flegmatique et un tantinet rebelle. A leurs côtés, une succession de seconds rôles loin des clichés, mettent en scène, entre autres, les excellents Benjamin Lavernhe et Olivia Côté. 1h35 de bonheur, de rire, de grands espaces et d’intelligence ! FFM

Garçon Chiffon de Nicolas Maury – en salles le 28 octobre 2020

Copyright Les Films du Losange

Nicolas Maury, découvert chez Mikael Buch (Let my people go) puis adoré chez Yann Gonzalez (Les Rencontres d’après minuit, Un Couteau dans le cœur) et révélé au grand public par le personnage d’Hervé dans la série Dix pour cent, devient réalisateur avec Garçon Chiffon, un long métrage original, personnel et d’une sincérité à toute épreuve. Le garçon du titre c’est Jérémie (Nicolas Maury, en autre lui-même ou presque), comédien trentenaire presque célèbre et dont la jalousie maladive devient incontrôlable. Les réunions des “jaloux anonymes”, les plans professionnels foireux et les râteaux en casting ayant eu raison de lui, Jérémie quitte le “métier” et son mec (Arnaud Valois, la douceur tranquille incarnée) pour aller dans le Limousin, terre de son enfance, se ressourcer chez sa mère (Nathalie Baye) qui a transformé la maison familiale en gîte rural toutes options. C’est en s’ouvrant aux autres et en acceptant son enfance que Jérémie va se reconstruire et parvenir à rallumer ses désirs. Nicolas Maury joue de sa “persona” comme personne, offre à Nathalie Baye son plus joli rôle depuis  longtemps (il faut l’entendre l’appeler “mon chiffon”), donne une envie absolue de revoir Arnaud Valois dans un (plus) grand rôle au plus vite et révèle au cinéma un jeune comédien déjà vu dans la série SKAM et à suivre de près Théo Christine, futur Joey Starr dans le film d’Audrey Estrougo sur les jeunes années de NTM aux côtés de Sandor Funtek. Grand film sur l’acceptation de soi, de son enfance, de ses différences et de ses faiblesses, Garçon Chiffon esquisse une mélodie douce qui touche en plein cœur qui sait écouter le sien.FFM

Slalom de Charlène Favier – en salles le 4 novembre 2020

Copyright Charlie Bus Production / Jour2Fête

Lyz a 15 ans, une mère un peu paumée en pleine crise de la quarantaine, et des facilités pour le ski. A Bourg-Saint-Maurice, elle intègre un enseignement professionnel en vue de devenir une véritable championne de ski alpin mais ce cursus l’isole, la fragilise et permet à son entraîneur Fred de mettre en place une emprise grandissante. Avec ce premier long métrage qui exploite la relation plus que toxique entre un entraîneur de ski et sa très jeune élève, Charlène Favier frappe fort et avec intelligence puisque la construction du récit et du point de vue sont à la fois d’une précision sans faille et évitent toute complaisance, excès ou caricature. Le film est direct, droit, mais n’ignore jamais les ambiguïtés, les troubles ou les zones grises de cette relation d’interdépendance malsaine qui se met en place au fil des événements. Slalom ne tombe jamais dans la noirceur attendue ou les travers du film sociétal, Charlène Favier intègre à sa vision l’environnement sublime et inquiétant des pistes enneigées, les moments grisants de la compétition sportive et les mots, rares, viennent à peine troubler le sentiment de gravité, cette chape de plomb qui amortit comme la neige les bruits, les sensations et les gestes qu’on n’oublie jamais. Les comédiens incarnent avec foi et délicatesse des partitions complexes que ce soit Jérémie Renier, séduisant et dangereux comme jamais en entraîneur criminel, la trop rare Marie Denarnaud qui interprète sa compagne pas dupe ou encore Muriel Combaud, éblouissante en mère larguée. Mais si le film réussit à être juste à chaque instant, il le doit beaucoup à Noée Abita. Après Ava, Le Grand bain ou Génèse, elle prouve une fois de plus qu’elle est l’une des comédiennes les plus douées de sa génération. Elle impose ici sous son apparente fragilité, une force impressionnante de rage contenue et son dernier mot, tel un acte libérateur donne au film un envol salvateur. FFM

Un Triomphe d’Emmanuel Courcol – en salles le 6 janvier 2021

Copyright Carole Bethuel / Memento Distribution

C’est une histoire vraie ou presque. Dans les années 80, en Suède, un comédien sans contrats monte avec un succès incroyable une version détonante du En attendant Godot de Samuel Beckett avec des détenus. Pour cette adaptation française et contemporaine de cette jolie histoire, Emmanuel Courcol a choisi de confier à Kad Merad le rôle de ce comédien-professeur d’art dramatique qui change la vie d’une poignée de prisonniers grâce au “club théâtre” d’une maison d’arrêt. Comédie populaire porteuse de valeurs extrêmement positives sur le modèle des classiques comédies sociales anglaises à la Full Monty, Un Triomphe réussit sur tous les plans. Le film n’est jamais simpliste, bénéficie d’une dramaturgie réaliste et méticuleusement construite et d’un véritable point de vue cinématographique sur l’univers carcéral et la libération par la culture. Kad Merad prend un plaisir incomparable et communicatif à jouer avec cette troupe de jeunes acteurs tous absolument incroyables (mentions spéciales à Sofian Khammes, Wabinlé Nabié et Pierre Lottin) et le film distille crescendo un sentiment euphorisant. Si les dernières minutes auraient gagné à être resserrées et moins didactiques, Un Triomphe parvient à faire s’opérer la rencontre entre cinéma d’auteur et comédie populaire, un plaisir rare à ne pas bouder. FFM

Ibrahim de Samir Guesmi – en salles le 9 décembre 2020

Ibrahim, jeune ado parisien, vit seul avec son père, très occupé par son job d’écailler dans un restaurant des beaux quartiers. Un peu livré à lui-même, Ibrahim va être confronté à des choix de vie : suivre son pote Achille dans les sales plans, tenter de renouer le dialogue avec son père, fendre l’armure pour rencontrer une fille, … Très belle surprise que ce premier long métrage du comédien tout-terrain Samir Guesmi. Simple et sensible, le film offre un éclairage nouveau sur Paris et les Parisiens à travers la vie de ce duo père-fils incapable de se dire combien ils s’aiment, préférant la gifle ou l’étreinte aux longs discours. C’est traité sans pathos, avec une véritable justesse de regard et d’interprétation. FFM

Éléonore d’Amro Hamzawi – en salles le 23 septembre 2020

Copyright Ecce Films

Elle a quelques mèches de couleur verte dans sa chevelure brune et porte un bombers, un jean et des baskets. Éléonore ne ressemble ni à sa mère ni à sa sœur, toutes les deux tirées à quatre épingles, et son rêve, c’est d’écrire des romans. Sauf que le frigo reste désespérément vide, alors maman décide de tout reprendre en main pour qu’enfin Éléonore rentre dans le rang : celui des trentenaires hétéro épanouies dans leur vie sentimentale et professionnelle, qui lisent Elle et mangent bio. Nouveau look pour une nouvelle vie-cliché donc, et un job décroché avec piston dans une maison d’édition spécialisée en littérature érotique tenue par un beauf phallocrate. Entre drame et comédie, Éléonore fait le portrait d’une jeune femme sous pression, happée par ses névroses, qui, à la ligne, préfère la marge, et aux horaires de bureau, les parties de tarots nocturnes entre copines. Amro Hamzawi, dont c’est le premier long métrage, raconte avec humour et sobriété – et sous la forme d’un récit d’apprentissage – les déboires d’un personnage qui vacille, étourdi par les injonctions au bonheur, à la féminité et à la réussite qu’on lui assène depuis toujours. Des sujets chers à Nora Hamzawi, comédienne et humoriste qui souvent dans ses chroniques décortique les vieux schémas et les poncifs qui servent de socle aux relations sociales. Elle est ici Éléonore, et pour mieux se confondre avec ce personnage gauche et morose, a calmé son débit qu’elle a d’ordinaire mitraillette. Remarquée chez Olivier Assayas (Doubles vies) et Nicolas Pariser (Alice et le maire), Nora Hamzawi n’est plus un second rôle mais un premier. Une actrice dotée d’une sensibilité singulière qui se met à nue sous l’œil doux de son grand frère. Émouvant envol commun. A.C

 

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