Si la comédienne est désormais bien connue du grand public grâce à son personnage de Noémie, assistante et maîtresse du boss de l’agence ASK dans la série Dix pour cent, Antoinette dans les Cévennes marque une nouvelle étape pour Laure Calamy : son premier premier rôle au cinéma. Nous avons rencontré la comédienne lors du Festival d’Angoulême pour évoquer cette Antoinette amoureuse, cash et aventureuse, avec qui elle a bien des choses en commun.
Est-ce qu’on peut dire que ce premier premier rôle au cinéma est idéal ?
Laure Calamy : Oui ! Quand j’ai lu le scénario, j’ai trouvé ça tellement génial ! J’ai tout aimé, les Cévennes, le voyage, les personnages, les ruptures de ton. Et puis il y a en effet un écho intime puisque j’ai moi-même fait de la randonnée il y a dix ans. Je ne connaissais pas du tout cet exercice et j’ai eu une espèce de choc quasi existentiel. C’est tellement fort de marcher dans la nature. Pour en revenir au scénario, l’écriture m’a complètement chopée : le rapport à l’animal, le côté aventureux d’Antoinette, la drôlerie, J’aime qu’elle ne se laisse pas faire par la vie, qu’elle dise «Tu me plantes et bien moi je vais écrire l’histoire ». C’était une vraie joie et puis il y a plein d’acteurs de théâtre formidable dans le film, j’avais l’impression de retrouver l’ambiance d’une troupe. Que ce soit Benjamin Lavernhe ou Olivia Côte, que j’ai connue au théâtre, et plein d’autres que je connaissais, comme Maxence Tual de la bande des Chiens de Navarre ou Marc Fraize.
Et c’est un vrai premier rôle puisque vous êtes de tous les plans !
Laure Calamy : C’est vrai… Au début, j’ai eu une vraie appréhension. J’ai eu peur que les gens ne puissent pas me supporter sur la durée ! Mais faire ce film, c’était une gourmandise, je me suis sentie très à l’aise dès le départ. C’était une vraie joie de me confronter à Antoinette tous les jours. Il a bien sûr fallu s’exercer un peu avec l’âne. Ce qui est assez drôle, c’est que l’âne qui devait être l’acteur vedette et qui s’appelait Pedro était bien dressé mais il donnait l’impression d’avoir pris des substances illicites et il était beaucoup trop speed, ça n’allait pas du tout (rires) ! On a regardé sa doublure Jasou presque par politesse et là, on a vu arriver cet âne très lent, très dépressif qui était parfait et qui n’avait pas du tout l’habitude du dressage. Le problème, c’est que les deux ânes, l’original et sa doublure, ne se ressemblaient pas du tout ! Il a donc fallu les teindre, faire maigrir l’un et faire grossir l’autre. Si c’est pas vivre comme des acteurs ça ! Pedro était un peu notre Belmondo, super pour faire les cascades et les scènes d’action et Jasou, il était vraiment sensible et à l’écoute, doué d’un instinct de tragédien. Il comprenant que c’était des exercices car il recevait des récompenses mais il gardait toujours un étonnement incroyable au fil des prises, et il me faisait des petites léchouilles. On a noué une vraie relation. Les ânes ont mauvaise réputation en général, parce que s’ils ne veulent pas faire ce qu’on leur demande, ils ne le font pas, mais ils sont extrêmement intelligents. Ils ont leur libre-arbitre et comme quand on joue avec un enfant, c’est à nous de nous adapter. On sentait que Jasou voulait bien faire. Pour la dernière prise, il s’agissait juste de faire un trajet tout simple de nuit, et Jasou a commencé à avancer avec moi sans que je lui donne la petite impulsion que j’avais pris l’habitude de lui donner. On a annoncé que c’était le dernier plan de Jasou et il s’est mis à me lécher la main, la cuisse, il avait senti que c’était la fin. C’était très tendre.
Qu’est-ce que vous avez ici exploré de vous, en tant que comédienne, que nous n’aviez pas encore eu l’impression d’avoir exploré auparavant ?
Laure Calamy : J’ai eu l’impression de pouvoir aller plus loin dans le burlesque, le grotesque, le ridicule, tout ce que j’adore. C’est un goût qu’on a en commun avec Caroline Vignal, la réalisatrice. À la fois, elle est assez précise sur le texte, il n’y a quasiment pas d’impro, mais sur le tournage, les situations ont pu être poussées plus loin parfois, comme quand je fais une petite danse quand je reçois des textos, ce qui n’était pas prévu. J’adore le côté gênant d’Antoinette, elle est parfois malaisante comme lors du premier dîner de l’étape, mais elle est touchante. Après, il y a des moments de pure présence, des scènes plus brutes qui m’ont paru essentielles et libératrices, parce qu’on ne calcule rien quand on marche, le corps est en action, guidé par la pensée qu’il faut avancer. Ce laisser-aller m’a surprise par moment.
Le film participe à un renouveau de la comédie française, il a du rythme, de l’efficacité, une certaine épure et une héroïne qui n’est pas en carton…
Laure Calamy : Oui complètement. Et puis je dirais que le film a quelque chose aussi de certaines comédies des années 50, des screwball comedy, tout en étant complètement dans son époque. Il y a un jeu avec les clichés : la maîtresse, l’amant, la femme. Mais en même temps, on quitte très vite ça pour parler d’une solitaire qui fait son chemin. Ce qui m’a plu, en plus de tout le reste, c’est le côté western que Caroline a voulu donner : une femme seule et chapeautée, sur la route… Je trouve ça magnifique. Et ce qui est magnifique aussi, c’est la manière dont Caroline donne sens aux rencontres que fait Antoinette. Je pense par exemple à Olivia Côte qui joue la femme de Vladimir, on évite l’habituel crêpage de chignons entre la femme et la maîtresse ici, c’est beaucoup plus subtil, ça devient une discussion de femme à femme. On évolue, oui.
Est-ce que vous vous voyez comme une héroïne moderne ?
Laure Calamy : Honnêtement, je ne sais pas. J’ai souvent l’impression d’être d’un autre temps à vrai dire. Mais ça me fait plaisir que vous disiez ça !
Vous avez retrouvé le personnage de Noémie pour la dernière saison de Dix pour cent bientôt diffusée par France 2. Que pouvez-vous nous dire de l’évolution du personnage ?
Laure Calamy : Noémie continue son ascension ! Il y a une vraie tristesse à quitter ce personnage et je pense que je vais la ressentir cet hiver puisque j’étais habituée à tourner la série à ce moment-là. En même temps c’est bien que cela s’arrête à un moment et je suis très heureuse de l’évolution de ce personnage qui n’aura cessé de s’affirmer de plus en plus. C’est un peu comme avec Antoinette. Au départ, elle est une assistante un peu cliché qui cherche socialement à s’affirmer, de même dans sa vie privée où elle va chercher des rapports plus égalitaires, notamment dans sa relation avec Mathias.
Quels sont vos projets pour cette rentrée ?
Laure Calamy : Là, je vais tourner avec Eric Gravel un film qui s’appelle Être en mouvement dans lequel je joue la femme de chambre en chef dans un hôtel de luxe. C’est un film social mais assez haletant, qui lorgne sur le film d’action. Après je vais tourner avec Cécile Ducrocq avec qui j’avais fait le court métrage La Contre-Allée. Cela va s’appeler Une Femme du monde, et c’est toujours un personnage de prostituée. Et ensuite, je tourne L’Origine du mal avec Sébastien Marnier, une fiction qui baigne dans une ambiance chabrolienne et qui évoque aussi Pas de printemps pour Marnie.
On ne pouvait pas se quitter sans évoquer avec vous cette scène incroyable que vous avez dans le film de Nicolas Maury, Garçon chiffon qui sort le 28 octobre…
Laure Calamy : Ah oui, ça c’est un cadeau ! Nicolas est un génie ! C’était jouissif parce qu’on se connait bien et on a pu aller vraiment dans des territoires sans limites. On est allé chercher tout le monstrueux en nous. Et par rapport à Antoinette, ce que j’aime bien, c’est de pouvoir explorer la comédie et la tragédie, le côté clown tragique me plait. On fait appel à des choses très profondes quand on est dans cette peau-là. Avec Nicolas, on se connait depuis quatre ans mais on s’est trouvé de façon très forte, on s’hystérise l’un l’autre, c’est à celui qui ira le plus loin !
Réalisé par Caroline Vignal. Avec Laure Calamy, Olivia Côte, Benjamin Lavernhe … Durée : 1H35. FRANCE. En salle le 16 septembre 2020. Diaphana Distribution